Les voyages des Cyclomigrateurs

Après trois mois enchanteurs passés à découvrir le Japon à vélos, nous voici en République de Chine, plus connue sous le nom de Taïwan. La capitale Taipei n’est qu’à une quarantaine de kilomètres de l’aéroport, ce qui fait passer par une sacrée montée mais ce sera une bonne entrée en matière pour cette île montagneuse. 

 

On perçoit vite les différences avec le Japon : Ici on roule à droite, les voitures archi-compactes sont remplacées par des modèles plus encombrants, les camions sont souvent vieux, il y a même des épaves sur le bord des routes. Il y a des chiens aussi, comme les épaves ils ne sont pas attachés, mais se contentent d’aboyer sans prendre la peine de nous courir après, alors ça va.

L’habitat est plus pauvre, il y a des déchets, des égouts nauséabonds, ça fait bizarre. De jolis petits temples très colorés agrémentent les lieux. Les gens ont l’air très sympas, on reçoit des encouragements d’automobilistes et de scooters, lesquels sont très nombreux.

Welcome Taïwan !

Comme prévu ça monte bien vers Maoweiqi lorsqu’un type en scooter nous double rapidement (jusque là c’est normal), s’arrête un peu plus loin et nous attend avec un grand sourire et un sac (c’est déjà moins normal). Il nous avait repérés sur la route et a acheté en vitesse des canettes de boissons énergisantes pour nous aider à monter la côte. On discute comme on peut, il ne parle pas anglais à part pour dire « Welcome Taiwan », et au moment de se quitter il fourre dans la main d’Irène des dollars soigneusement pliés (là ce n’est plus normal du tout, on ne nous avait jamais fait ce coup là). Impossible de refuser, on sent qu’il serait offensé, il nous fait comprendre que c’est pour manger au kombini (supérette). Sur le coup on ne sait pas ce que représentent ces 1 100 $, il s’avère que c’est 31 €, imaginez-vous un Français donner ça spontanément à des inconnus sur la route ? 

 

Avec un sacré vent de face, sur cette côte raide on a l’impression de ne pas avancer, la boisson énergisante ne fait pas de miracles. Soudain revoilà notre bienfaiteur qui nous re-double (c’est un redoublant !) et re-tend un autre sac avec cette fois-ci deux oranges et deux pommes. Pour le remercier, Irène le force à accepter son bracelet, lequel lui avait été offert par une marchande du cap Manzamo, au Japon. Les cadeaux sont comme la gentillesse, sans frontière.

Taipei

Sept millions d’habitants, des tours et immeubles très serrés, certains ressemblent à des nids à courants d’air. Partout des scooters, les adultes portent des casques mais pas tous les enfants, les chiens non plus. La courtoisie japonaise n’est plus de mise, on dirait que le plus fort passe mais c’est sans agressivité et les feux sont bien respectés. Les avenues sont larges, du coup ça roule bien, on progresse sans difficulté.

 

Contrairement au Japon, ici on peut manger dans la rue et c’est bien commode. Nous allons à la découverte des échoppes, de nombreux stands de cuisine de rue se partagent le trottoir. La vaisselle est empilée dans des seaux, lavée sur le trottoir comme en Inde. Pour notre premier repas nous apprécions des shuǐ jiān bāo (raviolis cuits à la vapeur) et des crêpes ciboule et à la viande.

 

La nuit n’est pas moins animée que le jour, les night markets sont très fréquentés, il y a un choix de nourritures très variées mais certaines ne nous tentent vraiment pas, surtout les pattes de poulet et les tripes qui ont cependant l’air très populaires. 

 

Les temples sont superbes, très colorés et pimpants, ils se détachent de la grisaille des bâtiments tel le temple de Longsan dont les couleurs dominantes sont l’or et le rouge. Des dragons et statues surveillent les dévots qui apportent leurs offrandes de fleurs, de nourriture et d’encens. 

Une pratique nous surprend : Des petites pièces en bois peintes en forme de croissant de lune sont posées sur une table. Certaines personnes en choisissent avec beaucoup d’attention, elles se concentrent en fermant les yeux et les laissent tomber sur le sol, puis les ramassent. La première fois, puis la deuxième, on a cru à une maladresse, mais ce n’est pas possible d’être maladroit à ce point donc il s’avère que ces chutes sont volontaires. Nous avons eu l’explication par une adepte de cette pratique : On fait une demande à la divinité, puis on laisse tomber les demi-lunes et si elles tombent sur le même coté c’est que la réponse est négative (une sorte de pile ou face mais avec une chance sur trois de gagner).

 

A l’occasion de la rencontre d’une dame et son frère sourd, nous constatons que la langue des signes étant différente d’un pays à l’autre, de sacrés quiproquos sont possibles; par exemple le signe de mettre le poing sur le nez signifie « Comment allez-vous ? » en chinois et « Je veux faire l’amour » en français !!!

 

Police = service

 

Aussi curieux que cela puisse paraitre, à Taiwan la mission des policiers est de prendre soin des gens. C’est pourquoi quand on a besoin d’aide, il suffit d’entrer dans un poste de police où il y a toujours un distributeur d’eau chaude et froide auprès des canapés et de la table basse sur laquelle le thé parfume la pièce; il suffit de demander pour que ces gens là ce mettent en quatre pour nous trouver une solution. Notamment un endroit pour dormir gratos, des outils pour réparer les vélos, etc. Désormais on ne va pas se priver de compter sur ces endroits providentiels dès qu’on arrive dans un patelin où on a l’intention de passer la nuit.

En passant par la petite ville de Shuili, nous demandons au poste de police où nous pourrions dormir, comme d’habitude. La réponse du policier est surprenante » Vous voulez payer ou non ? » ; bien sûr on préfère que ce soit gratuit, alors il nous suggère un bel abri sur la digue toute proche, sachant que si on veut de l’eau ou utiliser les toilettes, on peut venir à tout moment du jour ou de la nuit. 

 

En train avec entrain

 

Il y a une section de la route côtière à flanc de montagne qui est superbe, mais elle nous a été vivement déconseillée à cause des risques d’accidents, de la densité de circulation, notamment les camions en grand nombre et de chutes de roches. Alors on va faire comme les autres, on va prendre le train et c’est aussi une expérience intéressante.

 

Dès la gare, on sent qu’on n’est pas à la SNCF : Comme l’ascenseur est en panne, trois volontaires en tenue jaune vont nous aider à descendre les escaliers. Dans le train, l’ambiance est chaleureuse : les voyageurs s’intéressent à nos vélos, les rires fusent, les photos se succèdent, notamment en compagnie d’un monsieur qui fait le tour de Taiwan à pieds avec son fourbi dans une poussette, on ne sait pas quelle cause il défend mais il est drôle.

Taroko

Nous voici au pied des fameuses gorges de Taroko, un des endroits incontournables de l’île. Demain sera difficile, alors une bonne nuit de repos s’impose, mais où ? Au Visitor Centre il n’y a guère d’endroit où planter la tente et une soudaine pluie torrentielle n’engage de toute façon pas à quitter un endroit abrité. Qu’à cela ne tienne, à la nuit tombée on s’installe à l’arrière du bâtiment, c’est tranquille et près des toilettes (bonjour le romantisme) ; pas besoin de tente, puisqu’on a un toit. On cuisine nos pâtes avec une sauce aux champignons et notre soupe en sachet. Personne ne viendra nous déranger, même pas les macaques des environs, on va dormir comme des bébés.

 

1 000 mètres de dénivelé, bigre ça va être coton… On est loin d’être des grimpeurs, surtout avec tout ce qu’on trimballe, alors on se prépare à devoir pousser par endroits. Eh bien non, même pas mal ! La route a le bon goût de suivre la rivière et les pourcentages sont très raisonnables alors ça se gravit avec d’autant moins de peine que chaque virage est l’occasion de s’extasier : C’est vrai que c’est superbe, et c’est vrai aussi que c’est le matin qu’il faut y aller car après arrivent les hordes de cars de touristes à la queue leu leu.

 

Arrivés au National Park, on s’installe dans une espèce de mini camping qui surplombe la gorge puis on va faire une rando. Ce ne sont pas les parcours qui manquent dans le coin, et on est assurés de ne pas être déçus car c’est partout spectaculaire.

Des chemins avec des passerelles, des tunnels, des corniches, des cascades, un régal ! Durant deux jours nous parcourons plusieurs circuits de randonnée, certains très faciles et même accessibles aux handicapés (bravo !) et d’autres plus escarpés car il s’agit d’anciens chemins que les japonais avaient tracés à flanc de montagne pour mater les tribus aborigènes.

 

La végétation est astucieuse, s’adaptant à ce milieu particulier, les arbres et plantes endémiques prospèrent visiblement fort bien. Du coté minéral, il y a de quoi remplir de joie un géologue puisqu’il s’agit d’un immense massif de marbre ! Quant au règne animal, il sera essentiellement visible à travers les papillons et les macaques qui boulottent les feuilles goulument.

 

Surprises made in Taiwan

Durant six semaines nous continuons à parcourir cette île souvent surprenante, toujours attachante et bien loin des idées que l’on pouvait en avoir. Ce sera l’occasion de passer par une route interdite, dormir en prison, rencontrer un dragon irascible, un curé breton, des aborigènes et un gang de mémés mélomanes. 

Comme on ne peut tout vous conter ici (dommage), il y a sur notre blog cyclomigrateurs.fr/c/taiwan/ de quoi vous donner envie de découvrir à votre tour ce pays si particulier. 

 

Irène & Joël Connault, les Cyclomigrateurs___

 

 

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